Ecologie et maisons passives

Discours de Patrice HERVE, maître d'oeuvre lors de l'inauguration du gîte - 2 juillet 2011

Bonjour,

Dans la conduite de ce projet, je pourrais vous parler longtemps, tellement celui-ci me tient à coeur, et tellement il nous a bien occupés depuis 8 mois. Ne pouvant tout vous dire, j'ai choisi de concentrer mon intervention sur l'aspect énergétique de ce bâtiment.

Tout d'abord quelques mots sur les choix réalisés pour ce gîte.

Le fait qu'il s'agisse d'un gîte nous a conduits à faire des choix selon l'utilisation qui en est faite; il nous a fallu tenir compte d'une utilisation par intermittence; nous avons de ce fait éliminé les solutions technologiques lourdes et onéreuses, impossibles à amortir sans une utilisation intensive.

Notre but : obtenir un bâtiment dans l'esprit des maisons passives, ou basse consommation, telle qu'elles seront obligatoires dans le cadre de la réglementation thermique nouvelle qui va intervenir dès 2012 pour le neuf. Nous sommes ici dans l'ancien, mais nous nous sommes imposés un cahier des charges exigeant, et volontariste.

Le but de cette réglementation : faire descendre les consommations énergétiques sous la barre des 50 kwh d'énergie primaire par m2 et par an. Aujourd'hui l'habitat consomme entre 230 et 450 kwh, l'enjeu est donc conséquent.

Les contraintes pour y parvenir sont les suivantes, la première : commencer par éliminer toutes les sources de pertes énergétiques.

On connait  aujourd'hui assez bien les différentes pertes : je vous les rappelle :
  1. par le toit 28 % donc choix d'une isolation renforcée pour ce gîte : ici 30 cm de ouate de cellulose, coefficient de 9
  2. par les murs 18%, donc isolation renforcée également : ici les murs font 46 cm à l'origine, auxquels s'ajoutent 20cm d'isolation et une lame d'air pour un cœfficient thermique R de l'ordre de 6.
  3. par le sol 16% de perte : nous avons choisi de faire une dalle flottante, isolée par dessous et aussi sur les côtés pour supprimer les ponts thermiques avec les murs existants, et aussi offrir une masse de matière dans le volume pour assurer un déphasage jour/nuit (accumulation des chaleurs dans la dalle et restitution ensuite).
  4. par les portes et fenêtres 12% de perte, nous avons choisi un double vitrage 4/16/4 argon donnant un cœfficient de 1.5. Le soin a surtout été apporté dans le montage pour limiter là encore des ponts thermiques inexorables.
  5. par les ponts thermiques - plus sournois -  les pertes par pont thermique d'une maison représentent habituellement 6 %. Ici nous les avons totalement supprimés au niveau de la dalle basse , du plancher et du plafond, mais il en reste deux,  endémiques,  liés au mur de refend mais très limités car il ne sont présents qu' au RDC.

Pardon pour ce détour un peu long, mais il vaut le coup.
Jusqu'à aujourd'hui nous nous occupions plus ou moins bien de tous ces postes. Je vous rappelle les chiffres : 28/18/16/12/6; cela ne fait pas 100% comme chacun l'aura bien sur remarqué !
Il  manque un poste de perte à hauteur de 20 %, c'est dire à peine moins que les pertes liées au toit. Cela correspond au renouvellement d'air qui est indispensable dans toutes les maisons. Depuis les années 70, on avait pris l'habitude de regarder ce très gros problème en se disant qu'il n'y avait rien à faire, c'est un mal nécessaire. Aujourd'hui on sait travailler sur ce sujet: Alors c'est ce qu'on a fait.

La solution : rendre le bâtiment étanche à l'air pour éviter toutes les intrusions d'air froid et éviter toutes les sorties d'air chaud. C'est dur à réaliser et difficile à vérifier. Alors j'ai construit un système de test dit "portes soufflantes" qui permet de vérifier l'étanchéité en soumettant la maison à une dépression de 100pa, avec un gros ventilateur. Grâce à cette dépression, on peut mettre à jour les fuites d'air et  faire la chasse à toutes ces fuites : petites ou grandes. On se sert d'un anémomètre pour mesurer la vitesse des petits vents qui rentrent dans la maison, dès que l'on en trouve un,  on bouche, pour on en cherche d'autres, jusqu'à obtenir un taux suffisant et acceptable d'étanchéité.

Il nous a fallu faire aussi des choix techniques un peu différents, exemple, installation d'une hotte à condensation pour ne pas rejeter l'air dehors, idem pour le séchoir. Plus douloureux, il nous a fallu renoncer à la cheminée, qui n'est pas compatible avec ce procédé du fait du passage d'air vers l'extérieur. Nous avons rencontré les fournisseurs, il parait que les modèles compatibles sont aujourd'hui à l'état de prototype et qu'il vont apparaître sur le marché dans les deux ans.

De plus, il faut que le bâtiment respire quand même. La respiration se fait par un choix judicieux de matériaux qui, mis dans le bon ordre permettent au bâtiment de respirer vers l'extérieur et d'éliminer ces propres vapeurs d'eau.

Une fois cette opération réalisée, il n'y a plus du tout de ventilation dans le bâtiment, il faut donc en installer une qui fonctionne en permanence, dans toutes les pièces et surtout une que l'on puisse maîtriser, ni trop, ni trop peu. L'astuce consiste à faire entrer de l'air frais, propre et contrôlé dans chaque pièce de vie, et de l'aspirer dans toutes les pièces d'utilité : WC, cuisine, salle de bains, pour le rejeter dehors. Mais avant de le jeter dehors, on récupère toutes les calories dont il est chargé et par un système d'échangeur, on redonne ces calories à l'air nouveau qui rentre. Ainsi l'air vicié est évacué, mais les colories sont piégées à l'intérieur, toutes les calories existantes ou créées dans la maison, restent dans la maison.

Nous avons installé ici une très bonne ventilation double flux de dernière génération avec un rendement de 95% .

Vous l'avez compris, ici pas de grosse technologie, pas de gros investissement coûteux à installer et à entretenir. La méthode est en amont : une bonne dose de réflexion, une très grosse attention au cours des travaux, une vérification à tous les stades pour obtenir l'étanchéité qui permet à la ventilation double flux de donner son meilleur rendement.

D'après l'étude thermique réalisée, et dans le cadre des mesures de 2012, nous obtenons 21 points sur les 62 nécessaires dans le cadre réglementaire. Dans le cadre de la RT 2005, nous obtenons un classement en C, mais nous chatouillons de près le classement en B. Si nous avions ajouté un chauffe-eau à énergie solaire, nous serions classé sans conteste en A. Nous aurions fait ce choix dans le cas d'une maison d'habitation non saisonnière. Si vous regardez les documents des maisons à vendre, vous savez que le classement du parc des maisons existantes, même neuves est aujourd'hui entre E et G. Les maison classées en C sont très rares, aucune en B et aucune en A.

Nous avons fait ce que nous avons pu, mais nous avons compris à travers ce projet, qu'il s'agit d'un enjeu considérable pour le marché de la construction des maisons dans les temps à venir, et surtout de ses acteurs : formation, acquisition de savoir-faire, attention dans le travail, respect entre les corps de métier, etc... pour réaliser cette étanchéité à l'air et la maintenir dans le temps.
C'est aujourd'hui la préoccupation majeure de tous les corps de métiers du bâtiment pour être prêt à supporter le test inexorable et obligatoire de la "porte soufflante".

Je voudrai remercier Jean-Noël, mon frère, propriétaire du gîte pour sa confiance, Christine, sa compagne pour son accueil et sa bonne cuisine et son souci de prendre en compte le régime de Jocelyn, mon fils qui m'accompagne; Osmond et Judicaël mes neveux, pour leur excellente collaboration tout au long du chantier; Marie-Hélène, ma soeur pour ses peintures réalisées pendant l'hiver et qui illustrent à merveille les 4 saisons; Simon, un autre neveu et la famille Mousset pour leur collaboration sur le mobilier. Et aussi tous les gens de passage, soit pour travailler ponctuellement soit pour nous visiter sur le chantier.

Je vous remercie de votre attention.

Qui sommes-nous ?

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Un couple d'agriculteurs laitier installés dans le perche depuis 2003. Fort d'une expérience de gestion de 3 chambres d'hôte pendant 16 ans dans l'Orne, avec enthousiasme, ils ont développé le gîte des 4 saisons dans leur nouvelle ferme de Launay. 06 83 07 21 74